Avant toute chose, on va mettre les choses au clair : le nom de l’album dont on va parler aujourd’hui est The Spectre Of Corporatism : Starship Shaped Schnitzels From Planet Breadcrumbs Are Attacking A Giant Tree Monster Who Has A Vagina And Holds Hitler Hostage. Vous trouvez ça foutraque ? Attendez de l’entendre.
Hentai Corporation se définit comme un groupe de thrash rock’n’roll, le seul à ma connaissance. Une manière de rire des étiquettes, sans pour autant que cela ne renseigne vraiment sur le contenu de l’album. Alors tout de suite, le premier titre.
Ethereal Prayer attaque fort avec un cri qui nous indique que l’on est en présence de metal extrême malgré la mélodie saugrenue. Et puis pouf ça se calme, chant clair presque chuchoté, ambiance posée… avant de repartir pour un refrain au chant aigu digne de Rob Halford ou Axl Rose. Un pont mi-jazzy-mi-bourrin plus tard, on peut se dire une chose : nous voici entrés dans les montagnes russes du rock. Et malgré les secousses, ça marche et on en redemande.
Si ce premier morceau correspondait à des montagnes russes, Equilibristic Brides serait plus un train fantôme rendant fou avec sa mélodie entêtante et presque agaçante, ses cris déments et son rythme boosté aux amphétamines. C’est assez bien retranscrit par le clip d’ailleurs (attention, il est spécial et je le déconseille à un public un peu sensible).
Arrive Tragedy of Uncle Hitler. Rassurez-vous, pas de propagande néonazie ici, mais une satire assez trash d’un Adolf rendu complètement dément par son obsession pour Eva Braun. Le morceau est construit en un dialogue entre les deux amants, Hitler se chargeant des couplets et Eva Braun chantant les refrains. Et évidemment musicalement c’est très solide, avec un mélange de genre assez surprenant mais intéressant… on en reparlera un peu plus bas.
Première « pause » de l’album, Lost in Tensions ? est une bouffée d’air frais. Commençant comme une jolie ballade en 3/4 (chose assez rare pour le noter) avec de belles harmonies et un chant très expressif, le morceau se termine en apothéose après une explosion de colère. Pas très long, mais très efficace.
Goblin Love avait bien besoin de cette pause. Vous vous souvenez lorsque j’ai dit que le titre de l’album était foutraque ? Ce morceau en est l’exacte illustration. Ultra riche, des petites touches mélodiques de sons rigolos, gros grooves dissonants, un chant énervé, des breaks et breakdowns* et du growl* de temps en temps : une illustration musicale parfaite de l’expression « péter un câble ». On en ressort lessivé avec un début de torticolis. The River montre une facette plus mélodique du groupe, qu’il peut mêler à ce côté grand-guignolesque de sa musique de manière très réussie. Le chant et le piano font de ce morceau un de mes préférés de l’album du fait de ce savant mélange.
Clairement influencé par le metal moderne, le titre suivant est riche en chant hurlé courant dans le black metal et en grooves distordus. Pour filer la métaphore de la fête foraine, imaginez une machine à coups de poing, sauf que c’est vous la machine. Oh Dear Evil Capillarity ! a lui un groove beaucoup plus dansant, avec sa batterie que l’on pourrait retrouver aisément dans un morceau disco/funk. Alors certes il y a toujours quelques aspects un peu bourrins, mais l’envie de bouger son popotin est irrésistible.
Deuxième petite pause, une jolie valse au piano et à la guitare permet de faire baisser un peu la tension et de se rendre compte que le sens mélodique des musiciens est remarquable, si jamais cela était trop difficile à distinguer dans les autres morceaux.
L’album se conclut avec l’un des tous premiers morceaux du groupe, Zubata, le seul du disque pour lequel les paroles sont en tchèque. Son petit solo très rock’n’roll et ses mélodies loufoques accompagné du chant toujours très versatile en fait une très bonne synthèse.
Musicalement, ce disque est assez incroyable, et cela pour plusieurs raisons. Outre le talent des musiciens en lui-même (la musique est remarquablement exécutée et chantée), l’inventivité en terme de mélodies et de rythmiques frappe, tant elles sont nombreuses à l’échelle d’un seul album et parfois même d’un seul morceau. Pourtant le risque d’avoir un résultat décousu est évité, les différents phrasés s’enchaînant de façon fluide et « naturelle ». Cela est en partie dû à l’instrumentation choisie, où se côtoient guitares distordues et synthés rigolos. Ce mélange des genres est une grande réussite : les diverses influences thrash*, heavy* et black metal*, glam rock, jazz… sont bien digérées et aboutissent à une musique originale et innovante qui nous surprend à chaque seconde.
Comme d’habitude, voici un lien pour écouter l’album en entier (il est aussi disponible sur les plateformes de streaming comme Spotify, Deezer…) :
*Pour en savoir plus à propos des styles évoqués :
- Le breakdown est un type de partie rythmique répétitif, installant un groove et étant une rupture avec la partie précédente. Le growl est un type de chant courant dans le metal extrême, où il peut être très grave (death grunt) ou au contraire criard.
- Le heavy metal est le genre historique de metal, sans growl et moins violent que ses sous-genres extrêmes. Le morceau de Judas Priest « Victim of Changes » en est un bon exemple.
- Le thrash metal est un dérivé plus extrême et inspiré par la scène punk du genre précédent. Il est globalement plus rapide et plus dissonant que ce dernier. Les groupes les plus célèbres du genre sont Anthrax, Megadeth, Metallica et Slayer.
- Le black metal est un sous-genre du metal reconnaissable à son chant très criard et un son qui est assez agressif pour l’oreille. Un exemple ici.